Rendons le féminin à la langue française - Libération
« (...) dès le Moyen Age, la langue française disposait de tout l’arsenal nécessaire, grammaire et vocabulaire, pour exprimer très équitablement le féminin et le masculin. Soit par recours à des mots épicènes (commun aux deux genres comme enfant, mécène, ministre…), soit que les noms de métiers ou d’activités, par exemple, existent déjà au féminin : archière, cervoisière, coffrière, ferronne, heaulmière, mairesse, maréchale, portière, jongleresse, chevaleresse, moinesse, doctoresse, chirurgienne, et bien sûr médecine. Même le bourreau avait son équivalent, la bourrelle ! »
« La masculinisation à marche forcée, qui doit tout à l’idéologie et rien à la linguistique, s’opère à partir du XVIIe siècle. Les «infléchissements masculinistes» s’observaient déjà avec le moyen français. Le pronom «il» en lieu et place d’un pronom neutre gagne du terrain : «il pleut» mieux que «ça pleut». Mais c’est avec la naissance de l’Académie française (1635) que les choses se gâtent vraiment. Bien que Vaugelas hésite mais préfère l’accord de proximité, Dupleix décrète en 1651 : «Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif.» Pourquoi «plus noble» ?«A cause de la supériorité du mâle sur la femelle», répond Beauzée en 1767, sans autre forme de procès. C’est assez dire que la cause est politique. Le «il» assoit son règne de neutre tout puissant. »
Tue 23 Oct 2018 05:14:55 PM CEST - permalink -
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